L’arrivée de Christiane Filion et l’évolution des pratiques
Le départ de Pierre-Jean laissait évidemment un vide qu’il fallait combler le plus rapidement possible. En juillet 1986, Christiane Filion est embauchée pour assurer la relève. Son premier souci sera de structurer davantage le travail d’intervention. Cet objectif passait inévitablement par le développement d’outils permettant d’assurer un réel encadrement et un meilleur suivi du cheminement des résidants. Fiches d’admission, entrevues téléphoniques et d’accueil, etc., viennent dorénavant supporter le travail de relation d’aide qui s’effectue au quotidien. Ce virage correspond aussi à ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la professionnalisation de l’intervention en milieu communautaire. À partir de 1986, la formation professionnelle et l’expérience deviennent des critères importants d’embauche.
Toujours dans l’esprit d’améliorer sa façon de travailler, la SOSFA tient en 1987 sa première semaine d’orientation. Pendant cette période, la maison est fermée, les jeunes sont temporairement relocalisés et l’équipe profite de ce moment pour questionner ses pratiques et ajuster le tir. Cette initiative deviendra une tradition pour les sept années suivantes.
En octobre 1989, le passage d’une durée de séjour maximale de 21 jours à 60 jours représente un tournant important. C’est le premier pas depuis plusieurs années vers un travail plus en profondeur ou la dimension dépannage est peu à peu mise de côté.
D’autres projets
Avant même l’arrivée de Christiane, la SOSFA caressait le projet de mettre sur pied une résidence pour femmes itinérantes. Après une évaluation de la pertinence et de la faisabilité du projet, Christiane explique aux membres de la corporation que les exigences humaines et matérielles d’un tel projet deviendrait peut-être une menace à la consolidation du Centre Saint-Damien. De plus, on constate déjà les limites de l’accueil-dépannage, aussi il serait plus justifié de développer l’hébergement à moyen et long terme par le biais d’appartements supervisés pour les jeunes du ”Centre Saint-Damien. Après plusieurs démarches pour obtenir le financement nécessaire, ce projet est aussi mis de côté.
Déménagement sur Papineau
Les locaux de la rue Amherst ne convenant plus, des démarches furent entreprises pour relocaliser le Centre Saint-Damien. La difficulté à trouver un local suffisamment grand et permettant de regrouper tous les services sur le même niveau a amené la SOSFA pour la première fois à déménager ses pénates hors du quartier Centre-Sud (à part bien sûr l’expérience de la Ferme d’Havelock). La SOSFA s’établit le 23 juin 1987 au 5103 rue Papineau, coin Laurier. Ce n’est pas encore le grand luxe, peu s’en faut, mais la grandeur du logement est mieux adaptée aux besoins de la ressource. Le nombre de jeunes hébergés à la fois reste le même, c’est à dire huit. C’est aussi durant cette période que l’appellation Centre Saint-Damien disparaît et que pour la première fois une activité de la SOSFA porte le nom SOSFA.
L’année 1987
Cette année a été marquée, du point de vue de la SOSFA, par deux événements importants : l’Année Internationale du Logement pour les Sans-abris et la fondation du Regroupement des maisons d’hébergement jeunesse du Québec.
On attendait beaucoup des retombées de l’A.I.L.S.A. Il ne se trouvait plus personne pour nier que le problème s’aggravait d’année en année et qu’il prenait des proportions inquiétantes. Les besoins des ressources et le besoin en ressources étaient criants. On espérait pour l’occasion voir arriver une véritable reconnaissance de l’importance du travail accompli par les maisons d’hébergement entre autres, une reconnaissance qui serait autre chose qu’un énoncé de voeux pieux. Ce qu’on attendait c’était un financement adéquat qui permette de sortir la plupart des ressources de leur précarité. Cela n’est pas arrivé. En dépit d’une demande de subvention de 110 000 $ au ministère de la Santé et des Services sociaux pour l’année 1987-1988, la SOSFA ne reçut que 60 000 $, soit le même montant que les deux années précédentes. Une somme de 9 000 $ fut malgré tout arrachée à force de représentation au budget d’urgence du Ministère.
En avril de la même année, après des mois de préparation, le RMHJQ tient son assemblée de fondation. La SOSFA a fait partie intégrante des travaux préparatoires et a, dès le début, assumé un rôle de leadership en permettant à Christiane Filion de devenir la première présidente du Regroupement. Ce levier de représentation et d’intervention auprès des instances politiques était devenu indispensable si on espérait avoir quel qu’influence que ce soit sur les décisions ministérielles dans le dossier de l’itinérance, et des jeunes sans abri en particulier. Il répondait aussi a un besoin important de briser l’isolement des ressources, à un besoin de partager et d’échanger sur les réalités vécues par chacune d’elles.
Les représentations extérieures
Déjà pendant la période précédente, la SOSFA, par souci de s’allier à d’autres acteurs pour faire face à la montée de l’itinérance chez les jeunes, devient membre du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal. Pendant la période 1986-1990, cette tendance va croissante. L’appartenance au RAPSIM, au RMHJQ et à différentes tables de concertation, les alliances établies pour faire contrepoids à certains projets de lois (Loi 37, etc.) indiquent une volonté non seulement d’aider les jeunes sans-abri, mais aussi d’agir sur les causes de l’itinérance de façon à la prévenir.
La construction de la maison sur la rue Wolfe
Le déménagement sur la rue Papineau représentait peut-être une amélioration du point de vue de l’espace disponible, mais le local n’en était pas moins en piteux état. Comme le propriétaire ne montrait aucune volonté de respecter son engagement à faire les travaux de réfections qui s’imposaient, il est devenu évident qu’il fallait à nouveau déménager. Les contributions respectives de la Société d’habitation du Québec, de la Société canadienne d’hypothèque et de logement et la Ville de Montréal ont rendu possible la réalisation d’un projet de construction au 1775 rue Wolfe. C’était l’occasion d’enfin construire un lieu qui réponde aux besoins spécifiques d’une maison d’hébergement.
Mais voilà, la construction d’un immeuble n’est en soi jamais simple. Cela suppose beaucoup de supervision de la part de l’acquéreur. Tout au long du chantier, les péripéties n’ont pas manqué. Louis-Charles Labrecque, membre du conseil, Christiane Filion, coordonnatrice et Lise Noël, vice-présidente du conseil, ont assumé au meilleur de leurs capacités la supervision de la construction, ce qui a permis à la SOSFA de prendre possession d’une maison qui représentait une amélioration du tout au tout par rapport à l’appartement sur Papineau. C’est en août 1990 que la SOSFA emménage dans ses locaux actuels. Ce déménagement permettra aussi de hausser la capacité d’accueil à dix jeunes.